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Tourisme collaboratif : facturer ou partager ?

Les plateformes de tourisme collaboratif marchand à l’image de Airbnb pour l’hébergement, ou Trip4Real * pour les guides locaux, se sont rapidement développées ces dernières années . Au point de modifier profondément le marché du tourisme, mais aussi ses pratiques.

Au départ, l’idée est séduisante :

Proposer une offre alternative à l’hôtellerie et aux guides professionnels. Et offrir une source de revenus complémentaires aux habitants des zones touristiques. Elle permettait aussi de proposer une offre de logement  d’appoint dans certaines zones en déficit d’offre hôtelière. C’est-à-dire dans des zones où les professionnels du tourisme ne pouvaient pas rentabiliser leur investissement. De nombreux villages ont ainsi retrouvé un certain dynamisme estival. Mais le succès de ces plateformes est tel qu’aujourd’hui, il pose de réels problèmes aux professionnels du tourisme et aux habitants des zones touristiques. Et il transforme profondément la relation entre les voyageurs et leurs hôtes à travers une marchandisation à tout va.

Mais des difficultés sont rapidement apparues.

Les problèmes liés au fort développement d’une offre locative par les particuliers est déjà largement connue. Ceux-ci, affranchis de toutes contraintes de normes, peuvent proposer une offre d’hébergement et de services touristiques bien plus compétitive que celle des professionnels du tourisme. Un particulier qui loue une chambre dans sa maison n’a pas de frais de structure à couvrir.Il n’a pas d’aménagements pour personnes handicapées à réaliser. Il peut donc ajuster son prix en fonction de la demande. Cette nouvelle offre a sans doute eu un effet bénéfique dans des zones tendues avec une offre insuffisante . Mais aujourd’hui, avec la multiplication de l’offre, le marché s’oriente vers une baisse des prix sans aucun réel contrôle sur les prestations fournies . Et sans possibilité pour le consommateur de s’appuyer sur des critères tangibles de comparaison.

Le tourisme collaboratif marchand pose de nouveaux problèmes.

Par ailleurs, la rentabilité des locations touristiques, bien supérieure à celle des biens à usage d’habitation, a provoqué de sérieuses difficultés dans des villes comme Venise, Barcelone, San Sebastien. Et il commence à affecter certains quartiers de  Paris. Les investisseurs préfèrent louer aux touristes et les habitants ne peuvent plus accéder aux logements en centre-ville. Dès lors ce phénomène se retourne contre tous . Les quartiers historiques des centres villes se dépeuplent de leurs habitants et deviennent des parcs d’attraction pour touristes. Dans le quartier gothique de Barcelone par exemple, les touristes croiseront plus souvent des groupes de fêtards étrangers  que de véritables barcelonnais. Et ceci n’est pas sans générer de réactions :  les habitants organisent des manifestations contre l’invasion touristique, les maires des villes concernées font la chasse aux locations illégales…

Enfin, cette marchandisation à tout va de son logement ou de ses connaissances touristiques ( plus ou moins avérées) modifie profondément les rapports entre les habitants et les voyageurs. Le touriste devient une source de revenus, et l’habitant un prestataire de service. Ce concept était d’ailleurs très bien illustré par la campagne d’affichage  de Airbnb à Paris : louer sa chambre d’amis pour pouvoir financer ses loisirs. En somme on abandonne le concept d’accueil pour celui de la monétisation.

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Alors que faire ? Légiférer ? Nous ne le pensons pas, et nous pensons qu’il faut laisser agir le marché et ses acteurs. Un réajustement qualitatif s’opérera inévitablement avec les retours utilisateurs des plateformes de tourisme collaboratif.

Nous croyons que l’accueil, la convivialité et la gratuité dans l’offre touristique ont plus que jamais leur place. Et que ces modes de relation vont également être portés par le développement des plateformes de tourisme collaboratif axées sur le partage.

A ce titre, le développement de l’échange de maison est une preuve incontestable des attentes des habitants et voyageurs . Pourquoi tant de personnes préfèrent-elles échanger leur maison, plutôt que de percevoir des espèces sonnantes et trébuchantes ? Pourquoi voit-on se développer à vitesse fulgurante des acteurs comme Guesttoguest qui proposent après quelques années d’existence plus de 300.000 maisons à l’échange? La réponse est simple : un mode de relation plus convivial, bienveillant, basé sur la confiance. Bien souvent, on va laisser sa maison, sa voiture, ses vélos, ses objets personnels … Et on peut demander à son hôte de prendre soin des fleurs, voire des animaux.

Même constat pour les réseaux d’hospitalité.

Comme Be Welcome ou Couchsurfing, et depuis peu My weekend for you . Le nombre d’hôtes prêts à accueillir gratuitement des voyageurs de passage ne cesse d’augmenter ( environ 15 millions de membres dans le monde à ce jour sur ces plateformes). Et ce même si ces dernières années, leur progression( triplement en 5 ans)  n’a pas suivi celle des plateformes proposant de marchandiser l’accueil. Quelle tendance prendra le dessus ? Pour apporter un élément de réponse , il suffit de se poser la question suivante : qu’est -ce qui est le plus agréable ? Remettre ses clés et faire un état des lieux pour gagner 100 euros ? Ou recevoir gratuitement un voyageur ?  Passer un moment agréable, lui faire découvrir sa ville, et pouvoir bénéficier du même accueil en retour lorsqu’on partira à son tour ? Et donc finalement économiser une somme équivalente !

Enfin, quelle tendance sur le marché des guides touristiques ?

Jusqu’ici , une offre de guide gratuit , les Greeters, venait compléter sans prétention celle des guides professionnels.Mais aujourd’hui, on voit se développer des offres de guides tarifées proposées par des amateurs. Certes, de nombreux passionnés ont développé des connaissances dignes de guides professionnels. Ou d’autres vous feront découvrir des parcours totalement insolites . Mais pourquoi facturer ce que les Greeters offraient jusqu’ici ? Là aussi le marché apportera ses réponses et s’auto-régulera au travers des commentaires sur les plateformes.

En conclusion, on observe que le tourisme collaboratif fait  actuellement l’objet d’une forte marchandisation. Cela se fait aux dépens des relations que peuvent établir les hôtes et les voyageurs. Pourtant la recherche d’authenticité, les valeurs d’accueil et de partage ne sont pas en berne. Et l’apparition de nouvelles plateformes devrait permettre d’apporter rapidement une solution à ces attentes.

Gageons que l’envie de rencontre entre habitants et voyageurs, et l’envie de partager des moments conviviaux reprendra rapidement le dessus.

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* Trip4Real a été rachetée par Airbnb et intégrée dans l’offre expérience de la plateforme

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